Fondée au milieu du XIIe siècle par des chanoines réguliers issus de l’abbaye chablaisienne d’Abondance, l’abbaye masculine d’Entremont a existé environ six siècles jusque dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Grâce aux donations d’un grand nombre de particuliers, dont le plus important était le comte de Genève Amédée Ier, les religieux s’installent dans le val de Borne et font construire un établissement pourvu d’une église et d’une habitation organisée autour d’un cloître. En 1279, l’abbaye est transférée à la congrégation de chanoines réguliers provençaux de Saint-Ruf. En 1292, elle acquiert des droits seigneuriaux dans la paroisse voisine du Petit Bornand, puis, durant la première moitié du XIVe siècle, tous les droits de justice attachés au val de Borne (c’est-à-dire aux paroisses d’Entremont et du Petit Bornand). Les archives racontent qu’un grave incendie touche l’abbaye entre 1411 et 1424. À la fin du Moyen Âge, l’église abbatiale est entièrement reconstruite par l’abbé Philippe de Luxembourg entre 1486 et 1494. Les chanoines ne sont plus que six sur les douze initiaux. Les bâtiments se détériorent jusqu’à la première moitié du XVIIe siècle, qui voit le couvent être entièrement reconstruit, et l’église, partagée avec les paroissiens, rénovée et décorée. Dans les années 1760, la partie orientale de l’église abbatiale doit être entièrement reconstruite. L’abbaye est finalement supprimée en 1776 par le pape Clément XIV et les ailes latérales détruites. Les bâtiments deviennent par la suite la propriété de la commune d’Entremont, devenue Glières-Val de Borne en 2019. Aujourd’hui, seules l’église et l’aile opposée de l’ancien couvent sont conservées.
L’étude archéologique de l’abbaye a été initiée en 2019 par Sidonie Bochaton (alors à l’université Lumière Lyon 2, aujourd’hui à l’université Jean Jaurès de Toulouse) au moyen de recherches dans les archives départementales de la Savoie à Chambéry et de la Haute-Savoie à Annecy et s’est poursuivie en 2020 par la réalisation de prospections géophysiques confiées à Amélie Quiquerez (université de Bourgogne). En 2021, les fouilles ont débuté dans le cadre d’un chantier-école de l’université Savoie Mont Blanc destiné à accueillir des étudiantes et des étudiants d’Histoire de Chambéry afin de les former à la pratique de l’archéologie.
L’objectif de cette opération archéologique pluriannuelle était triple :
-retrouver l’emplacement des bâtiments détruits (cloître et ailes latérales du couvent) afin de mieux connaître la topographie du site et la vie des religieux au Moyen Âge et à l’époque moderne,
-mieux valoriser l’abbaye grâce aux nouvelles données historiques et archéologiques,
-former la prochaine génération d’archéologues à la fouille, au dessin, à la photographie et au conditionnement du matériel découvert, essentiellement céramique.
Chaque année, le chantier-école s’est accompagné d’un cycle de quatre conférences historiques et archéologiques destinées aux stagiaires, mais aussi au grand public.
L’étude archéologique et historique se poursuit dans le cadre d’un projet collectif de recherche qui associe des archéologues, des historiens et une historienne de l’art. Il s’agit notamment d’étudier la très grande quantité d’archives de l’ancienne abbaye aujourd’hui conservées en France (Annecy et Chambéry) et en Italie (Turin) ainsi que l’abondant mobilier archéologique (céramique, verre, faune, métal) découvert lors des fouilles et daté principalement de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Ce chantier a bénéficié du soutien de la commune de Glières-Val de Borne, de la communauté de communes Faucigny-Glières, du département de la Haute-Savoie et du ministère de la Culture, de l’université Savoie Mont Blanc et du laboratoire LLSETI, ainsi que de l’université Toulouse 2 – Jean Jaurès.