Il y fort longtemps à Entremont, le monde des hommes et celui des fées vivaient en bonne entente. Il y avait déjà, en cette époque harmonieuse, des troupeaux de chèvres et de vaches qui parsemaient les champs et, quand arrivaient les beaux jours, emmontagnaient pour brouter l’herbe tendre du plateau des Auges.
Le plateau des Auges était grand et les troupeaux s’éparpillaient à l’aise pour tout l’été, mais les bergers regardaient avec envie le plateau inaccessible des Traversiers, de l’autre côté de la petite vallée de l’Overan : avec autant de bonne herbe nouvelle, les vaches donneraient un lait exceptionnel et les cabris seraient bien forts ! Il était certain que pour pouvoir l’atteindre, il aurait fallu un pont entre le plateau des Auges et celui-là… Mais c’était impossible !
Les fées, qui savent tout, décidèrent d’aider les bergers à passer de l’autre côté et, frappant trois fois leurs bâtons magiques sur le sol du plateau des Auges, elles firent apparaître un pont qui reliait les deux montagnes ! Les bergers et leurs troupeaux profitèrent ainsi des années et des années des avantages des deux plateaux, les fées frappant le sol à chaque fois qu’il était nécessaire de passer d’un plateau à l’autre, pour faire apparaître le pont… et le faire disparaître aussitôt.
Jusqu’au jour où des plaisantins s’amusèrent à faire une farce aux fées : ils remplirent la marmite de soupe des fées d’une pelletée d’excréments de chèvre pour faire croire à des champignons… Les fées, furieuses et vexées, disparurent dès ce jour de la vallée d’Entremont et personnes ne les revit ! Plus de pont pour les troupeaux d’Entremont !
On dit aussi que la construction de ce pont fut entreprise par les fées des Auges et les nains des Traversiers, pour se rendre visite plus facilement, du temps où aucun homme ne s’était installé dans la vallée. Cette histoire merveilleuse se termine sur la même farce : un sacripant versa des excréments d’animaux dans les dernières brouettes de ciment, réduisant à néant l’ouvrage des fées et des nains.
Mais pour nous rappeler cette légende, les fées des Auges et les nains des traversiers tendent quelquefois un arc-en-ciel entre les deux plateaux, au-dessus du Col de la Buffaz…